La dentelle Shetlandaise
Les îles Shetland sont situées au nord est des côtes écossaises.
L'archipel, avec une ligne de côte très dentelée et compte environ une centaine d'îles dont seize habitées. Il a une superficie totale de 1 468 km21. La principale île de l'archipel est Mainland, elle est la 3e plus grande des îles d'Écosse2 et 5e des îles Britanniques.
La principale agglomération et le principal centre administratif des Shetland est Lerwick.
La culture de l'archipel est marquée par ses héritages à la fois scandinave et écossais, le patrimoine viking étant resté important dans la vie culturelle de l'archipel. L'archipel est connu pour son festival Up Helly Aa, et possède une importante tradition musicale, notamment avec son style traditionnel fiddle. Les Shetland ont aussi produit de nombreux écrivains tant en prose qu'en vers, qui ont parfois utilisé le dialecte local, le shetlandic.
Le territoire des Shetland est très découpé, ainsi tous les points de l'archipel sont à moins de cinq kilomètres de la mer, avec une ligne de côte d'une longueur totale de 2 702 km1.
La population compte 21 940 habitants3, appelés Shetlandais. La densité de population est 15 hab./km2. Pour comparaison, la densité de population à Montréal est de 4 662 hab./km2
Depuis l’Écosse, la traversée la plus courte en ferry est de 12h30 mn. Mais, il y a aussi un aéroport.
À l'exception de quelques arbres dans la partie centrale de Mainland et le centre de Lerwick, le sol est dépourvu de végétation arborée. De ce fait, les paysages sont tout à fait originaux pour ces latitudes. Ceci est la conséquence de la déforestation massive effectuée par d'anciens habitants des îles (probablement il y a plus de 2000 ans, les obligeant ainsi à maîtriser la construction en pierres). Le sol est le plus souvent constitué de tourbe, encore en exploitation comme combustible de chauffage dans les campagnes où l'on recense environ deux mille exploitations agricoles appelées crofts.
Dans la deuxième moitié du xxe siècle, des réserves de pétrole sont découvertes tant à l'est qu'à l'ouest des Shetland, et cette activité devient l'une des ressources principales de l'archipel. En 1978, le terminal pétrolier de Sullom Voe est ouvert. Le bassin pétrolier à l'est des Shetland est l'un des plus grands d'Europe. La manne pétrolière a renforcé le lien culturel avec la Norvège et a permis momentanément le développement d'un petit mouvement appelant à l'indépendance93.
Aujourd'hui, les principales sources de revenu de l'archipel sont l'industrie pétrolière, l'agriculture, l'aquaculture, la pêche, les ressources renouvelables, l'artisanat et le tourisme. Trois-quarts de la population active est employée dans le secteur tertiaire.
Portrait d’une économie féminine
L’île la plus au Nord : Unst était le principal pour les articles tricotés et de la dentelle shetlandaise. Elle était aussi le berceau de la laine la plus fine. Cela a été attribué au caractère isolé de l’île et à ses conditions climatiques.
Au XIXème siècle, l’économie des îles Shetland tourne autour de 3 activités : la pêche (la plus rentable) le commerce et l’agriculture. Ces revenus sont souvent variables, modestes et ont besoin d’être complémentés par autant de sources possibles.
La pêche est l’activité la plus rentable sur les îles Shetland. Cette profession est le domaine exclusif des hommes. L’entretien de la maison ainsi que le travail à la ferme sont dévolus en grande partie aux femmes.
Celles-ci sont reconnus pour leur caractère industrieux et énergique. Du soir au matin, elles s’activent, autant dans les petites besognes comme récolter les patates, faire les foins, moudre la farine que dans les tâches plus dures comme le transport des algues pour le fumier, bêcher le sol et semer les graines.
Lorsque leur temps n’est pas employé à l’une ou l’autre de ces opérations, alors, il est occupé à … tricoter ! Tricoter des accessoires de tous les jours (bas, bonnets, gant et pulls) devient une source fiable et vital de revenus, peut-être aussi tôt que le XVème siècle. Cette pratique était commune dans la plupart des pays européens.
En effet, le tricot est une activité qui, de la toison au produit fini, peut être fait par une seule personne. De plus, c’est un moyen important de production de vêtements chauds et ce depuis des siècles.
Le côté transportable du tricot était un avantage significatif, l’équipement était simplement des aiguilles « Wires » et de la laine filée.
Si nécessaire, le tricot était enroulé et sécurisé à une ceinture ou mis dans une poche. La ceinture de la tricoteuse était souvent équipé d’un pad troué où une aiguille pouvait se ficher. Cela libérait ainsi la main droite et améliore ainsi grandement la vitesse du tricot.
Dans les îles, cela devint une source de fierté que les motifs appris sur les genoux maternels ou déduits d’après un échantillon, soient mémorisés parfaitement. Les jeunes filles commençaient à apprendre les motifs en tricotant les rangs envers du tricot de leur mère.
En addition au tricot de vêtements quotidiens, 2 traditions distinctes se développèrent , la plus ancienne étant le jacquard, ce qu’on appelle aujourd’hui le « Fair Isle » et, plus récemment, la délicate dentelle, tricotée habituellement en une seule couleur.
Au XVIème siècle, il y eut une industrie prospère dans les Iles Shetland pour les accessoires tricotés : Bas, bonnets et gants. Ceux-ci se vendaient particulièrement bien aux pêcheurs issus des bateaux allemands et hanséatiques (les villes d’Europe du Nord qui ont adhéré à la ligue médiévale des marchands de la Hanse).
La douceur et la finesse de la laine locale était très prisée.
Vers 1700, les bas tricotés d’Unst étaient beaucoup plus chers que les autres (jusqu’à 72 fois plus !) C’est incertain, mais le prix pourrait refléter le travail méticuleux de la dentelle.
À travers le XVIIIème, les bas tricotés devinrent un des articles principaux du commerce shetlandais. Mais, ce commerce souffrit beaucoup des guerres napoléoniennes. À la même époque, l’apparition du tricot machine amène une concurrence sur les marchés locaux avec des tricots vraiment moins chers.
Pour aggraver le problème, une longue période avec un climat désastreux, des mauvaises récoltes et pêches furent expérimentés entre 1800 et 1840. Cela amena les fermiers à se demander comment maintenir leur économie.
Même s’il y a des débats sur le quand et qui, il n’y a pas de doute qu’orienter la production des tricots vers la dentelle fut lancée par les touristes et les marchands vers les années 1830. Ceci fut relayée sur place par des femmes dont les noms sont restés dans l’histoire : Miss Jessie Ogilvy, Miss Eliza Edmondston (une écrivain locale qui promouvait la culture shetlandaise) et Jessie Saxby (la fille d’Eliza).
À cette époque, le tricot devient très à la mode. La parution des premiers manuels de tricot parrainés par la Reine, aide à ce phénomène. Ainsi que l’apparition des premières laines filées de manière commerciale … Les marchants virent dans les délicates dentelles shetlandaises une opportunité d’affaires et en firent la promotion à Londres et dans les grandes foires.
Durant le règne de la Reine Victoria (1837-1901), la dentelle au tricot des îles Shetland fut à son zénith. La plus demandée était celle d’Unst, l’île la plus au nord où la laine était particulièrement fine due à l’isolation de l’île et au climat.
Le développement du transport maritime à vapeur de Lerwick en 1836 ainsi que le réseau postal accompagnèrent la popularité grandissante de la dentelle shetlandaise.
Cet engouement fut alimenté par deux facteurs importants.
Le premier fut la publicité autour des cadeaux d’accessoires tricotés en dentelle et des châles qui furent offerts à la jeune Victoria, ce qui amena des commandes régulières autant de la Famille Royale que de l’aristocratie. La reine Victoria, une tricoteuse elle-même, savait apprécier le travail déployé dans la dentelle au tricot.
Le deuxième facteur fut la promotion de ces articles lors de compétitions et de foires marchandes, promotion organisée par des marchands.
Pendant près de cinquante ans, la mode fit une place privilégiée à la dentelle shetlandaise. Il était même considéré comme de bon ton qu’une femme chrétienne porte ces dentelles. En effet, en achetant les créations de ces femmes de la campagne, elles les « sauvaient » d’une vie précaire qui aurait pu les plonger dans le vice.
Des châles, des voiles, des foulards et cravates, etc … étaient exportés vers le continent régulièrement. Cela eut un impact économique conséquent sur la population locale. Beaucoup de fermes, en période de disette, s’en remirent presque exclusivement sur le commerce de dentelles tricotées, et s’employaient à vendre les tricots directement aux visiteurs afin de ne pas payer les commissions prises par les agents.
Aujourd’hui, un « ring shawl » filé puis tricoté à la main peut se vendre jusqu’à 4400 $, ayant pris environ 600 heures de travail ( donc 7,33 $ / heure) à tricoter et plus même pour filer la laine ! Mais, il est certain que les tricoteuses shetlandaises n’étaient pas rémunérées à la hauteur et à la qualité de leur travail, même à l’époque.
L’Histoire de la mécanisation du tricot se répéta comme pour les bas. En 1847, des nouvelles machines à tricot furent inventées et aptes à fabriquer ce qui fut appelé « Nottingham Shetland Shawls », et beaucoup de ces imitations rapides et peu dispendieuses de la dentelle shetlandaise étaient assez bonnes. Assez bonnes en tout cas et en assez grande quantité pour étouffer le marché des châles de dentelle des îles Shetland, exceptés pour les pièces les plus délicates qui restèrent des pièces de luxe convoitées.
Descriptions des tricoteuses shetlandaises par Eliza Edmonston - 1856
Vous ne verrez jamais une femme shetlandaise du XIXème siècle sans un tricot entre les mains ! Qu’elle porte un chargement de tourbe sur son dos (cf. photo ci-dessus), qu’elle soit assise sur un petit poney avec lequel elle parcourra souvent plusieurs miles afin de rapporter du fourrage aux bêtes ou du poisson de la côte ou encore qu’elle soit en train de vous parler ou de rendre une visite, durant tous ces moments-là, ses aiguilles s’activent.
Les femmes les plus jeunes, et dont la vue est encore bonne et les doigts souples, ont toujours 2 projets en cours :
- Un projet qui ne demande pas d’attention particulière et accompagne toute la journée : des bas en laine brune.
- Un projet de châle pour les longues soirées ou les congés dont les filles de la famille profitent à tour de rôle.
Par contre, les chaussettes destinées à la maisonnée ou à la vente, sont toujours le travail des femmes plus âgées.
Sans manufacture ou débouchés professionnels, les shetlandaises ont investi l’art du tricot avec passion.
Au point de l’avoir amené à une certaine perfection et ainsi s’assurer une demande régulière. La douceur et la finesse de la laine indigène joue aussi un grand rôle dans l’intérêt porté à leurs créations.
Le recensement de 1851 faisait état d’une population shetlandaise dont il manquait 1/3 d’hommes. Cela incombait en grande partie à l’absence des marins, ce qui par conséquent rendait assez commun des maisonnées entières composées de femmes et d’enfants. Ainsi, l’on pouvait calculer que le ¾ des revenus des îles (excepté Lerwick) était gagné par des femmes ! Le tricot était une ressource à l’abri des caprices de la Providence. En effet, que la maladie s’abatte sur les récoltes, que la météo gâche une saison de pêche et c’est des familles entières qui étaient sauvés du besoin grâce à la vente des tricots.
Le mouton shetlandais
Le Mouton Shetlandais est considéré comme une race « Primitive » car l’on peut retracer ses ancêtres sur les îles britanniques depuis plusieurs siècles. Ils furent importés en Amérique du Nord à la fin des années 1980. On comptait récemment une population de 20 moutons par homme sur l’ensemble des îles Shetland. Il va donc sans dire qu’ils ont colonisés ce territoire avec succès !
Les moutons shetlandais sont plus petits que la plupart des autres races en Amérique du Nord. Les brebis pèsent environ 75 pounds (34 kilos) et le bélier 90 pounds (41 kilos). Ceux qui les rend particulièrement faciles à manipuler même pour les femmes et les enfants. Les béliers ont les cornes enroulées en spirale et les brebis n’ont pas de corne. Ils naissent avec une petite queue ce qui enlève la nécessité de l’écourter.
Les moutons shetlandais sont exceptionnellement robustes, s’étant adaptés au rude climat de l’Atlantique Nord, sur des îles dépourvues d’arbres, et donc de protection.
Ils s’adaptent bien à la plupart des climats et conditions. Leur instinct maternel est très développé et les brebis mettent bas facilement et sans assistance, de plus, il est rare qu’elles rejettent leur progéniture. Les agneaux sont généralement forts et peuvent se nourrir dans les minutes qui suivront leur naissance.
Le tempérament de la race shetlandaise est l’une de ses caractéristiques les plus attachantes. Ils sont plus calmes et dociles que la plupart des races ovines primitives et répondent bien à l’interaction humains, remuant souvent de la queue quand ils sont caressés et semblant même rechercher l’attention humaine.
Les moutons shetlands sont surtout prisés pour la laine magnifique qu’ils produisent. Leur toison est appréciée à travers le monde pour ses qualités de douceur mais aussi sa résistance, deux qualités qui la rendent donc idéale autant pour le filage que le tricot.
Une toison pèse environ 2 à 4 pounds et la longueur des fibres peut varier de 2 à 4 ½ pouces. Les fibres peuvent atteindre 15 microns de finesse autour du cou mais se situe généralement autour de 20 microns. (Pour comparer, le cachemire varie entre 14 et 30 microns).
Les toisons des moutons viennent en de nombreuses couleurs naturelles, allant du blanc le plus pur, à la gamme des gris, des bruns et pour finir, du noir.
Traditionnellement, la tricoteuse prenait soin de ses moutons dès leurs naissances. Aux environs du mois de juin, elle entraînait ses moutons à moitié sauvage dans un enclos où elle recueillait la laine à la main. C’est derrière les oreilles et autour du cou que se récoltait la laine la plus soyeuse et la plus douce. Cette méthode de ramassage était plus longue que la tonte, mais assurait de conserver le maximum de longueur de fibre car les boucles étaient ôtées à même la peau, et non coupées ras.
C’était une activité estivale, lorsque la toison se détachait de manière naturelle. Donc, le procédé était apparemment sans indolore mais chronophage.
Un touriste racontait à la fin des années 30 qu’il avait vu les fileuses retirer des toisons des brindilles et des saletés diverses. Puis, les toisons étaient légèrement aspergées d’huile de phoque (à partir des années 1950, cette huile fut remplacée par l’huile d’olive) face à un grand feu. Dans cette atmosphère chaude, la laine et l’huile étaient mélangées avant que le filage puisse avoir lieu.Pour préparer la laine vers un fil lace ou worsted, la laine était brossée à la cardeuse afin de séparer la fibre en un roving moelleux et léger.Pour les fils ultra-fins (cobwebs), la laine sélectionnée était traitée boucle par boucle et brossée avec les doigts ou avec un peigne ordinaire afin que les fibres les plus longues soient placées de manière parallèle avant d’être roulé à la main en petits rouleaux, prêts à être filés. Une fois que deux bobines de fils avaient été filés, ils étaient filés ensemble pour former un fil extra-fin 2 ou 3 plis qui, comme tous les fils, étaient ensuite roulés en écheveaux. Une fois l’écheveau fait, et seulement à ce moment, l’huile était lavée ou, si destiné à la dentelle fine, l’huile était préservée car elle donnait une résistance essentielle à ce style de tricot.Ce travail était réservé aux expertes fileuses, souvent mais pas obligatoirement, une bonne vue et des doigts habiles étaient nécessaires. C’étaient souvent l’expertise des femmes les plus âgées et qui filaient depuis leur tendre enfance.Mais, comme l’auteur Eliza Edmonston écrivait en 1856, seules quelques fileuses étaient capables de filer un 9000 yds (8229 m) au 28 grammes. Ce single ply extrêmement fin était replié en 3 plis jusqu’à obtenir un 2645 m / 25 gr. C’est environ 7 fois plus fin qu’un fil shetland cobweb filé machine.
Malheureusement, cette finesse si prisée avait un revers à sa médaille : ces châles quasi aérien se désintégraient avec le temps ou des soins inadéquats. Par conséquent, peu sont arrivés jusqu’à nous.
Mais qu’est-ce que la dentelle shetlandaise ?
La dentelle shetlandaise est une dentelle tricotée à la main utilisant des motifs traditionnels et de la laine shetlandaise. Le développement de la dentelle shetlandaise a été dépendante de la laine des moutons shetlandais. En effet, la solidité de la laine permettait de la filer en un fil extrêmement fin.
Les actions dans cette dentelle sont simples : monter et rabattre les mailles, augmenter, diminuer … À la différence de la dentelle estonienne, les nupps ne sont pas utilisés à cause de la finesse du fil qui ne leur rendrait pas justice.
Souvent, le fond du tricot sera en point mousse. Cela ne désert pas le tricot, au contraire, cela donne une tenue à la dentelle qui pourrait sinon rouler ou trop s’étirer à cause de la finesse de la laine.
Par contre, si vous utilisez une laine plus grosse qu’un cobweb, il serait souhaitable d’utiliser un fond en jersey plutôt qu’au point mousse.
La construction d’un châle se caractérise par 3 éléments principaux : Le centre, le contour et les bordures.
Du fait des échanges culturels nombreux à travers l’EUrope, on pourrait dire qu’il n’existe en fait que peu de motifs de dentelle réellement « shetlandais », que la plupart des motifs qui sont tricotés se retrouvent dans d’autres pays comme la Russie, les Açores et l’Espagne. Selon Sharon Miller, auteur de « A shetland lace pattern & workbook », la caractéristique principale de cette dentelle est son haut degré de géométrie et les arrangements entre les différents motifs pour composer un châle. Et bien sûr, la laine unique qui est utilisée.